samedi 19 octobre 2013

2 Ma vie de six à huit ans

Ma vie de six à huit ans

Extrait de mes six premières années

De retour en Lorraine pour la fin des vacances, j’aidais ma mère au magasin et jouais à la vendeuse.
Depuis cette discussion un peu à sens unique avec mon grand-père et de retour à la maison, il y a eu comme un déclic en moi, comme une mise en marche des turbines positives.
Les paroles de mon grand-père me revenaient très régulièrement. Je me posais des questions sur tout et essayais de trouver par moi-même la réponse, la solution à mes questions, à mes problèmes.
C’est à partir de ce moment là que j’ai réellement commencé à m’investir dans le monde des grands.
Etant épileptique je n’avais pas vraiment de copine. Soit elles avaient  peur de moi, soit c’était leurs parents qui avaient peur.
Déjà à cet âge, penser à ma future profession me motivait et m’aidait à ne pas me laisser aller psychologiquement dans un monde irréel duquel j’avais du mal à faire surface après chaque absence.

Je m’occupais comme je pouvais aux trois quart du temps dans le monde des grands.

Suite de ma vie de six à huit ans :

Dans la boutique où nous vendions de la layette, des chaussures "premiers pas" mais aussi des jouets, des nounours et tout ce qui est utile pour les mamans et leurs petits, j’aimais jouer à la vendeuse. J’ai très vite appris. Au début, c’était un jeu, je faisais semblant d’accueillir la clientèle, de proposer des articles, de faire leur démonstration et de les encaisser en tapant sur la grosse calculatrice qui était à coté de la caisse. 
Puis, chemin faisant, j’ai appris à faire des paquets cadeaux avec D., la vendeuse du magasin qui pendant les moments sans clientèle répondait à mes questions et me montrait plein de choses.
Elle me donnait des boites de formes différentes pour m'apprendre à les emballer, un défi que j'ai très vite relevé avec l'aide des paroles que mon grand-père me chanta lors des vacances... "quand on veut, on peut !..."
Tous les mardis matins, moments de réceptions des colis, j'adorais participer au pointage des articles. Compter et marquer les quantités d'articles selon les références et les tailles. C’était comme la découverte d’un trésor à chaque fois. Et puis, compter, déballer, trier, ranger de façon commerciale me plaisait.
Cette occupation qui était pour moi un jeu me permit de prendre facilement la vie du bon coté car je n'avais plus la possibilité de jouer dehors comme avant, dans mon tas de sable ou dans le jardin.

Au fond du magasin, il y avait une petite cour avec des gouttières mais surtout, plein de grosses toiles d'araignées... Beurk!
Alors je restais dans le magasin pour observer les méthodes de ventes lorsque les clients étaient en quête d'articles que nous avions.
Ma première vente fut une peluche pour un cadeau naissance, j’étais toute contente et pendant que je l’emballais, D. encaissait… mais je l’observais beaucoup car dans mes rêves de petites filles, je voulais taper sur les touches de la caisse qui faisait Bip, Bip !
Les mois passant, devenant moins petite, je finis par vendre de tout en faisant les démonstrations de landaus et de poussettes et en les encaissant. 
Chaque année, juste après le nouvel an, le magasin fermait deux jours en début de semaine pour l'inventaire. Avec l'entrainement des réceptions de colis et le pointage des articles tout au long de l'année, j'étais prête pour participer à ces deux journées de pointage intensif en dictant les références à D.. 
Je lui citais les références composées des rayons, des codes, des quantités, des tailles et des prix pendant qu'elle prenait note de tout. 
A l'autre bout du magasin, mes parents commençaient par toutes les grosses choses comme les chambres exposées, les landaus et les sièges auto.
Je me souviens aussi des stands de foires d'automne que je tenais pendant que ma mère servait les clients dans le magasin. Je distribuais les catalogues du magasin en renseignant les clients potentiels .
Mais ce que je préférais dans toutes ces activités, c'était le changement de vitrines.
Ah ! Les changements des vitrines ! Tous ces différents thèmes tout au long de l’année  commençaient des Rois pour aller jusqu’à Noël en passant par les petits poussins en peluche avec les belles poules de Pâques que l’on mettait dans de la vraie paille ramenée de chez mon grand-père paternel qui était paysan. Ensuite venaient les cœurs de la saint Valentin, le sable pour les vacances d’été, les décorations d’halloween confectionnées avec les feuilles tombées de l’automne, la neige artificielle qui marquait la saison et qui restait en fond pour la saint Nicolas et Noël. 
Toutes ces décorations, fixées en partie de fils nylon qui partaient du sol pour rejoindre le plafond, servaient également à tenir les vêtements avec des épingles, et, avec des plastiques ou papiers froissés pour faire comme si quelqu’un était dedans, car nous n’avions que très peu de mannequins qui ne suffisaient pas pour tout présenter.
J’aimais cette entrée dans le monde des grands ou personne ne se moquait de moi… bien au contraire !
Je me sentais utile et cela m’a bien aidée à accepter mes problèmes de santé.

J’étais tellement contente d’être fille de commerçant qu’un jour, j’ai pris une boite à musique en douce pour la donner en cachette à la fille d’une cliente qui la regardait fortement après que D. l’ait proposée à sa maman qui était intéressée, mais qui regardait autre chose. 
Cela me faisait plaisir, plaisir que je voulais partager dans ma tête de gamine, mais malheureusement, cette cliente qui était plus qu’honnête et qui n’avait pas vu ce don fait en cachette avant de sortir du magasin est revenue environ un quart d’heure après être sortie pour la rendre.

Un soir, juste avant la fermeture du magasin, j’ai accompagné ma mère dans une boutique de vaisselle. Elle était à la recherche d’un plat plus grand que ceux qu’elle avait pour faire cuire au four le repas prévu pour le soir.
C’est ce soir là que nous nous sommes présentés et avons fait connaissance avec les gérants du magasin de vaisselle qui travaillaient en famille. 
Il y avait les gérants avec leur fils E. et sa grand-mère. Très gentille sa grand-mère m’a dit : « Reviens demain, tu feras connaissance avec E. et vous pourrez jouer ensemble »  
Le lendemain matin, la grand-mère d’E. m’a accueillie au magasin. 
Elle l’a appelé et lorsqu’il est arrivé elle nous a dit : «Fais visiter la maison, allez jouer et faites attention de ne rien casser ».
E. a répondu : « Oui Mamie », et moi, de mon coté : « Merci madame ». En s’éloignant de sa grand-mère, je me souviens l’entendre sourire.
Le magasin était au moins cinq fois plus grand que la boutique de ma mère, avec les rayons assez serrés, des rayons plein de verres, d’assiettes empilées et présentées sur des supports, des plats de toutes tailles et de toutes formes, des verres de toutes sortes des coupes et des vases. 
En passant dans la deuxième zone du magasin, il y avait les casseroles, des cocottes, plein d’ustensiles de cuisine et même des ronds de serviettes en bois avec tous les prénoms.
Eric m’a fait visiter tout le magasin qui avait deux portes d’entrée, une porte de service sur un coté car la boutique faisait un coin de rue, il était très grand, impressionnant avec des étagères qui montaient jusqu’au plafond.
 La réserve était encore bien plus grande que le magasin, sur plusieurs étages et avec des rayons bien plus resserrés. Des rayons constitués de bois formant des casiers très réguliers, serrés, bondés de vaisselle nue et cartonnée. La réserve était encore plus impressionnante. Une vraie caverne d’Ali Baba !
E. m’a ensuite montré le lieu de vie de sa grand-mère et sa chambre qu’il utilisait de temps en temps lorsqu’il dormait chez elle. De parents divorcés, il vivait avec sa mère et voyait son père tout les quinze jours. Il me disait que c’était bien, il avait deux chambres, deux maisons et plein de choses chez l’un comme chez l’autre et n’avait donc jamais le temps de s’ennuyer.

Une fois la visite faite, E m’a proposé de faire du patin à roulettes sous les arcades… il avait de super patins à roulettes avec la basket incorporée au patin. De mon coté, n’en ayant pas, E. m’a prêté son ancienne paire de patin à roulettes. Après les avoir ajustés à ma taille, car il était très bricoleur et débrouillard, je les ai fixées à mes chaussures avec les boucles. Et c’était parti pour une nouvelle aventure. 
Il m’a tenu la main pour sortir du magasin, et m’a conduite près d’un pied d’arcade. J’avais la trouille, je n’avais jamais fait de patin à roulettes. Alors j’ai commencé par le regarder. Et pour mon initiation, il m’a appris à me laisser rouler d’arcades en arcades. C’était amusant. Au moment où je commençais à m’y habituer, il me donnait la main et nous avancions ensemble le long des arcades, passant devant les boutiques, c’était magique. 
Avant chaque pose, il me lâchait la main, prenait de l’élan pour s’arrêter plus vite devant moi pour m’aider à m’arrêter. Ensuite, E. m’a appris à tourner sur moi-même pour tourner ou m’arrêter.
C’est avec lui que j’ai appris à faire du patin à roulettes et entre les arcades. Il était très gentil.

 Je me souviens que lorsque nous rentrions de l’école, sa grand-mère montait avec nous dans la cuisine et nous aidait à apprendre les poésies en nous faisant répéter ver après ver. C’était bien agréable d’apprendre avec sa méthode. Elle nous aidait également à bien comprendre les mathématiques, avec elle tout était si facile…
 A la maison, c’était loin d’être comme cela. Que ce soit pour la lecture ou les devoirs l’aide était loin d’être aussi soignée et attentionnée.
Je ne me souviens pas avoir eu autant d’aide aux devoirs de la part de mes parents et mes frères qu’avec les familles du peu de copains copines que j’avais alors que ma tante F. était professeur de français et de musique. Bien que F. était adorable et me faisait travailler surtout la lecture lorsque je venais en vacances, mon père rentrait toujours à point d'heure et ma mère ne faisait que jeter un coup d’œil succinct entre deux clients ou deux écritures sur son journal des ventes ou totaux d'inventaire.

Cette année 1981, je suis rentrée en cours préparatoire avec Madame J-P. Je me souviens de sa gentillesse de ses cheveux bouclés marron tirant vers le roux mais ne me souviens pas beaucoup de copains ou copines pendant mes classes de cours préparatoire et cours élémentaire première année.
 A cette époque, les bureaux scolaires étaient en bois avec le banc intégré et le plateau du bureau incliné avec un rangement en dessous. La classe était peinte dans un ton jaune orangé.
Un jour, assise à mon bureau pupitre, j’ai eu une envie de vomir. Ça tournait… j’ai levé la main pour demander à aller aux toilettes en disant « J’ai envie de vomir » et à peine la maîtresse commence à faire deux pas vers moi pour m’accompagner aux toilettes, j’ai vomi sur mes cahiers et mon bureau. Ce jour là, je suis rentrée à la maison plus tôt et après une bonne sieste, je suis restée au magasin jusqu’au lendemain.
C’était une période où je ne me sentais pas bien, j’avais souvent mal au ventre. Ma mère me disait, « C’est rien Nini (j’avais horreur de ce surnom et encore aujourd’hui, cela me fait penser à Nini peau d’chien ), ça arrive. Tu as mangé trop de dessert ». Le lendemain, de nouveau à l’école, non, je n’ai pas re-vomi, mais je ne me sentais pas très bien. J’étais glauque et j’avais toujours mal au ventre. Ce n’étais pas régulier, mais ça me lançait assez souvent et de plus en plus. 
Mon père était parti depuis deux jours en voyage d’agrément en Egypte pour une durée de huit jours. Pendant ce moment, je passais mes nuits avec ma mère et ce soir là, avant d’aller au lit, j’avais très mal au ventre. Ma mère m’a donné un antidouleur avant de me coucher mais en pleine nuit, et très certainement après les effets des antidouleurs, j’ai été réveillée par de très fortes douleurs qui ont obligé ma mère à appeler le docteur d’urgence en pleine nuit.
Le Docteur est arrivé, m’a tâté dans le bas du ventre et a dit : « Crise d’appendicite aiguë. Il faut l’emmener d’urgence à l’hôpital ». Le médecin a fait venir l’ambulance des urgences, ma mère est restée à la maison et j’ai été emportée… ensuite, je ne m’en souviens plus.
A mon réveil, le lendemain matin, j’étais seule. J’ai découvert ma cicatrice fermée par quatre agrafes. Ma mère était au magasin et n’est venue que, entre midi et deux pour me voir.
Je m’ennuyais à l’hôpital. Oui, je me reposais car il le fallait, mais entre les moments de repos, c’était dur. Je me souviens avoir demandé aux infirmières si je pouvais leur donner un coup de main et après plusieurs demandes, elles m’ont apporté des bandes à rouler. J’étais toute contente de faire quelque chose d’utile et à ce moment, j’ai fortement pensé aux paroles de mon grand père. Je n'ai pas eu la visite des mes frères. 
Au moment où j’ai commencé à remanger, et donc une journée avant ma sortie, mon pèreest venu me voir.
En entrant dans la chambre, je me souviens d’un sourire de plaisir, paisible et réconfortant avec un mouvement de sourcils vers le haut me disant « Ben alors, qu’est que tu nous fais ? » avec un grand sourire. C’était très agréable.
J’étais très contente de le revoir et me souviens d’un cadeau qu’il m’a rapporté de là-bas. Emballées dans une sorte de papier journal avec une couleur de papier inhabituelle et des écritures illisibles, deux poupées de tissus, égyptiennes, très typiques. J’étais très contente. Elles avaient des petites perles dans les cheveux tressés de tissu et des paillettes en forme de disques cousues sur les vêtements.
Le lendemain, mon père est venu me chercher à l’hôpital pour me ramener à la maison.

L’école était à cinq, dix minutes de marche du magasin. 
En partant, je passais devant un magasin de vêtements et cuirs classiques et un salon de thé. Je traversais ensuite la route sur un passage piéton et arrivais devant un photographe vendeur d’appareils photos et de piles chez qui nous faisions nos photos d’identités puis une boulangerie pâtisserie, le magasin Benetton qui faisait l’angle de deux rues tenu par une dame avec qui ma mère avait sympathisé et à qui je faisais  toujours un petit coucou.
En tournant dans cette rue, rue dans laquelle il y avait le marché tous les mardis, je passais devant un magasin de sacs à main, quelques portes de résidences, une autre boulangerie, d’autres portes d’entrées de domiciles et la salle des fêtes. 
Je tournais ensuite à droite et arrivée à une troisième boulangerie pâtisserie située face à l’église, je traversais la rue pour arriver au parking public reliant le commissariat de police  à l’école. 
J’allais et revenais donc de l’école à pieds.

Un jour dans l'âge de ma sixième, septième année, je ne sais plus trop précisément, mais c’était en automne, la nuit commençait à tomber, je rentrais de l’école. Après avoir fait un petit tour de lèche vitrine, arrivée dans le magasin de ma mère, une sensation de chaud et froid, de rues sombres puis d’un coup la forte lumière du magasin et vlan !  C’est reparti, … Une absence  avec laquelle je luttais… j'essayais d'avancer au fond du magasin pour m’asseoir au bureau de ma mère... mais je me sentais comme dans un endroit jamais vu, comme perdue,... debout, les jambes écartées  pour essayer d’avoir le moins de frottements de vêtements possibles qui me donnaient comme des nausées et des frissons, j’étais comme paralysée !
Mon corps ne répondait plus à mon cerveau qui lui était complètement conscient et j’entendais tout autour de moi mais je ne pouvais pas répondre, je n’arrivais pas à retenir mes larmes. J’ai senti un liquide chaud couler entre mes jambes… une perte d'urine qui met vraiment mal à l'aise… et d’un coup,  le sol s'est ramolli sous mes pieds et je me suis trouvée emportée je ne sais où…
Ce jour là, il n’y a pas eu de crise d’épilepsie, mais à ma revenue dans le monde réel, j’étais allongée par terre, mouillée d’urine froide avec des nausées, avec un mal comme si ma tête était prise dans un étau et aucune possibilité d’aligner mes mots correctement… 
Les larmes m’envahissent, coulent abondamment me provoquant une grosse boule dans la gorge avec la honte d’être mouillée.
Ma mère m’a dit à ce moment avec un rire un peu jaune « C’est pas grave Ninie, le sol est en lino, ça se nettoie facilement, on ne verra plus rien, va te prendre un bain.»
Après mon bain, je suis redescendue les cheveux mouillés car le vent provoqué par le sèche-cheveux me donnait de drôles de sensations et parce que je ne voulais pas rester seule dans l’appartement au dessus du magasin. 
Il n’était pas question que je reste dans ma chambre où était fixé un coucou en forme de lapin qui bougeait les yeux de droite à gauche en rythme avec les secondes qui défilaient. Ce lapin me faisait peur, mais je n’ai jamais réussi à le dire car j’aimais mon parrain qui me l'avait offert et je ne voulais pas lui faire de peine. 
Je suis donc descendue et me suis installée au bureau de ma mère qui était dans le fond de la boutique pour essayer de me changer les idées. C’était pratique, il y avait régulièrement du monde qui entrait et sortait, et même si certains ne prenaient rien, ça me faisait un peu comme un mini théâtre.
A ce jour, ayant deux enfants, lorsque je repense à ce mauvais moment et à ses paroles, ma mère me dégoûte de par le comportement qu’elle a eu. C’était comme s’il ne s’était rien passé.

Ce qui me plaisait lorsque nous habitions au dessus du magasin, c’était qu’au moment des fêtes de fin d’année, et plus précisément début décembre, Saint-Nicolas défilait dans les rues. 
Les bonbons et les chocolats qu’il lançait étaient une chose, mais le défilé en lui-même était beau. Le père fouettard pour les enfants qui n’étaient pas sages me faisait plus rire qu’autre chose car je me souviens qu'un jour sa barbe s’est à moitié décollée. Il l’a remise vite fait bien fait, mais depuis le jour où j’ai vu cela, il ne m’a plus impressionnée, lui et le Saint-Nicolas étaient simplement beaux sur leurs chars illuminés joliment décorés.

Dans l’habitation au dessus de la boutique, les deux portes-fenêtres du salon, salle à manger se situaient au dessus de l’entrée du magasin. Elles avaient des garde corps, car il n’y avait pas de balcon, en fonte noire ou autre matière dans le style car je ne faisais pas attention à la matière à cet âge là.
Un jour, mon frère P. s’était amusé à attacher un portefeuille vide au bout d’un long fil nylon de pêche. Depuis une des portes fenêtres du salon, il s’est amusé à lancer le portefeuille sur le trottoir. Nous regardions, allongés à plat ventre sur le sol et beaucoup de personnes le voyaient mais ne le ramassaient pas. Un homme, d’une petite quarantaine d’année s’est baissé pour le ramasser, mais P. l’a fait avancer un peu, instinctivement, l’homme a essayé une seconde fois puis a levé la tête en nous faisant un sourire avec un mouvement de tête.
La deuxième réussite s’est faite avec une mamie qui avait les cheveux bien blancs et qui était vêtue d’un imperméable blanc … elle se baisse pour le ramasser, une fois, deux fois et à la troisième fois elle s’est relevée en regardant vers le haut en faisant un signe de la main de haut en bas et en râlant « RRRRRRRRRRAAAAAAAAAAAAA ! »
 Nous avions bien ri. Mais nous fûmes vite lassés.
Peu de temps après, un mercredi après midi, P. s’est mit à cracher, depuis la fenêtre de sa chambre qui se situait au deuxième étage au dessus du salon, sur les piétons qui passaient. Je lui ai dit « T’es fou ! C’est dégoûtant ! » Et il m’a répondu « Non viens voir c’est rigolo … ». Après un petit moment de stockage de salive dans sa bouche, il a visé en plein sur l’épaule d’une piétonne. La dame d’un certain âge a levé très vite la tête et l’a repéré. Outrée, elle est rentrée dans le magasin pour se plaindre à ma mère. Depuis le bas de l’escalier au rez-de-chaussée, elle a crié « P. ! Descends tout de suite ! » Cela à plusieurs reprises. Ne me sentant absolument pas concernée par cette ânerie, je l’ai suivi. 
Il a mis un certain temps à descendre et arrivé dans le magasin, il s’est prit une claque (bien méritée)  et a présenté ses excuses à la dame. Je me souviens de cette dame remerciant ma mère pour la correction faite de suite qui plus est en sa présence.

Les jours où il y avait des problèmes et que le père devait s’en mêler, il sortait le martinet.
A chaque fois, qu’il le sortait, j’avais l’image de mon grand-père paternel qui avant chaque nuit, sortait la trique (un simple fin bâton de noisetier) pour faire sortir les chats de la cuisine qui se cachaient sous la cuisinière à bois et sous la grande armoire de cuisine. Il passait simplement la trique dessous les meubles pour que les minous, autorisés à rentré la journée, retournent dans leur domaine qu’était le grenier à foin pour chasser les souris.
Mais la première utilisation de cette trique, rangée au dessus de l’armoire, était pour remettre les vaches sur le bon chemin lorsqu’il les conduisait aux champs.
Lorsque mon père sortait le martinet, ce n’était pas pour la même raison. Mais dans ma tête, je me disais : « On n’est pas des bêtes ! »
À chaque fois nous nous cachions pour ne pas s’en prendre un coup car les bêtises ne se faisaient jamais seules et c’était toujours le moins rusé pour partir au bon moment qui se prenait le plus gros.
Un jour, mon frère aîné F. s’est pris une ramassée ! Des coups de martinet que je ne peux oublier !
Le père a dit ensuite, « Vous êtes privés de télé pendant une semaine ! »
Le lendemain matin, c’était un mercredi, le père étant parti au boulot, je pris l’initiative de bouger la table contre le placard ouvert, de grimper sur une chaise pour ensuite monter debout sur la table afin d’attraper le martinet rangé dans le haut d’un placard… oui, mais où le cacher ?
Le placard était inséré entre un mur construit à cet effet et le mur de cuisine. Il avait plus d’un mètre de profondeur, avait deux grandes portes avec les dernières étagères à un bon mètre quatre-vingt et deux petites portes d’environ un mètre de haut allant jusqu’au plafond. Etant d’ancienne construction, les pièces mesuraient trois mètres de haut.
Pendant que personne n’était là, je continuais mon échafaudage en posant une chaise sur la table contre le placard pour grimper au niveau le plus haut, ouvrir cette petite porte en hauteur et regarder ce qu’il y avait en hauteur. Il y avait d’anciens magasines de voitures d’un côté et des sacs de pelotes de laines avec des morceaux de tissus et des vieux torchons de l’autre. Le fond du placard était presque inaccessible même pour les grands. 
Après cette enquête rapide, j’ai lancé le martinet de toutes mes forces, avec le manche en avant pour faire comme un lancer de fléchettes, derrière les bouquins de voitures. J’entendis un gros « Poc’ » qui marquait le choc entre le martinet et le fond du placard. Avec deux rangées de piles de bouquins l’une derrière l’autre, pour le retrouver, il aurait fallu qu'il retire tout… un coup que je sentais bien… !
J’ai ensuite tout remis en place en faisant un petit brin de ménage pour qu’aucune trace ne se remarque. Après cela, toute contente de ma réussite, j’ai même nettoyé les carreaux des fenêtres.
Ma mère, remontant en fin de matinée pour commencer la popote, voyant le ménage fait, me remercia.
Le soir, en rentrant du boulot, mon père n’ayant pas eu besoin du martinet, tout s’est passé sans que personne ne sache quoi que ce soit.
Mais nous étions quand même toujours privés de télé le soir.
Ce même mercredi soir, F. de treize, quatorze ans, était déterminé à voir le film. Il eu l’idée de descendre l’escalier en catimini, et de se faufiler sous la table de la salle à manger pour y voir le film.
P. le suivit et à mon tour, je fis pareil. Mais le film étant un film de guerre, je suis vite remontée dans ma chambre.
Cette idée de se cacher sous la table nous a souvent servi pour voir des films en cachette.

C’est également à l’âge de six ans lorsque nous avons emménagés au dessus du magasin que j’ai commencé mes leçons de piano. Depuis plusieurs années, nous avions l’ancien piano de ma grand-mère maternelle, cadeau qu’elle a elle même reçu de sa mère en récompense après ses deux premières années de piano réussies à ses huit ans et qu’elle ne pouvait pas garder chez elle faute de place.
Mes deux frères ont fait chacun trois année d’orgue et avaient l’instrument dans leur chambre qui était commune.
Mes leçons de piano se déroulaient chez Madame M. J’aimais beaucoup cette dame. Le piano me faisait beaucoup de bien et m’aidait beaucoup à surmonter mes problèmes de santé.
J’allais tous les mercredis après-midi aux leçons de piano.
De temps en temps N., copine et fille de commerçant, qui avait deux à trois ans de plus que moi et qui jouait du piano depuis plus longtemps que moi, m’accompagnait. Nous prenions de temps en temps nos leçons l’une derrière l’autre et revenions ensemble.
Un jour d’automne en allant ensemble aux leçons, nous fûmes interpellées par un vieil homme avec une très bonne tête, d’un certain âge et dans un état de pauvreté avec un vieil imperméable foncé et pas très propre. Il nous donna comme ça, par gentillesse des bonbons qu’il sortit de sa poche. 
Autour des bonbons de réglisse mentholée Stoptoux emballés individuellement, il nous avait donné sans le faire exprès quelques brins de tabac en vrac. Nous les avons pris, l’avons remercié et avons continué notre route. Arrivées avant un passage piétons que nous devions emprunter, N. a jeté ses bonbons par terre en me tapant sur les mains pour me les faire tomber par terre également en me disant il ne faut pas manger ce que les inconnus nous donnent. Ce jour là, je n’ai pas compris. Comment peut-il y avoir du poison dans des bonbons bien emballés dans le papier d’origine avec le nom dessus ? Des bonbons identiques à ceux qu’il y avait chez mon grand-père paternel parmi tant d’autres ! Et qui plus est par terre ! Tout ceci s’est si vite passé que je n’ai pas eu l’occasion de lui en reparler.
Je n’ai pas beaucoup gardé le contact avec N., car bien que sa grand-mère était adorable et douce, elle était très « pète sec », me parlait très souvent en me regardant de haut, pas méchamment, mais de haut. Comme sa mère qui avait ce comportement avec tout le monde. Lorsque nous marchions ensemble, elle me devançait souvent d’un ou deux pas comme si j’étais sa bonne. J’avais beau avoir des problèmes de santé, j’avais toute ma tête et avait beaucoup de mal à supporter de tels agissements. Déçue par ses comportements, je l’ai vue de moins en moins et m’en portais bien mieux.

J’aimais le piano, et lorsque mes grands-parents venaient en vacances, ma grand-mère m’aidait en me donnant des leçons complémentaires pour m’aider dans le travail des gammes et la souplesse des mains. Elle m’aidait aussi beaucoup là où j’avais le plus de difficultés, le solfège où il fallait chanter les notes.
A la fin de ma première année de piano, j’ai eu une première audition. Ma grand-mère m’a beaucoup aidée à répéter ce morceau « Ma première valse ».
Le soir de l’audition, dans les coulisses, j’avais le trac. Quand vint mon tour, j’entrai sur scène la gorge nouée. Après salutations au public, je pris place sur le banc devant le piano à queue, pris le temps de régler le banc à ma taille et commençai à jouer.
Je revivais les séances d'entrainement avec ma mémé… c’était bien…
Une fois le morceau fini, je me levai, saluai le public une nouvelle fois avec un grand sourire et plein de plaisirs face aux applaudissements. J’étais heureuse !
Mes yeux devenaient humides de joie…
Le lendemain, dans les journaux, nous découvrîmes avec Pépé et Mémé le résultat avec une mention très bien. Que de joies et de plaisirs !
L’année de mes sept ans, à l’audition de ma seconde année de piano, je reçus également une mention très bien.

Je me souviens également d’un dimanche matin, après le petit déjeuner, mon père restait à table, repoussait ses miettes de quelques balayage de sa main droite pour lire le journal.
La table, qui était entre la cuisine et le canapé qui délimitait le salon, était éclairée par un joli lustre en verre taillé comme du cristal pour les reflets de la lumière.
Mes frères étaient remontés pour jouer dans leur chambre commune qui était de la même taille que le salon/salle à mangé puisque qu’elle était au dessus. Leur chambre, accessible par un couloir qui donnait accès et qui longeait ma chambre, qui elle se situait au dessus de la cuisine, communiquait avec la mienne par une double porte avec des verres ondulés, granuleux et fumés qui ne laissaient passer qu'un peu de lumière sans laisser de vue d’un coté comme de l’autre.
Ils jouaient et chahutaient provoquant des vibrations dans le sol et le plafond de la salle à manger, mais faisaient également vibrer et chanter le lustre. Gling, gling, gling,….
D’un coup, mon père s’est mis à crier : « C’est fini la haut ! » D’un coup le bruit s’est arrêté mais quelques minutes après, Gling, gling, gling,… ma mère, voyant mon père s’énerver a commencé à leur crier dessus avec sa voie plus aiguë : « Vous avez fini la haut ! Le lustre va finir par tomber ! » Ensuite, ma mère m’a dit : « Ninie (grrr !), va voir tes frères et dis leur d’arrêter sinon ça va chauffer ! Et en même temps, va t’habiller »
Je quittai la salle à manger, traversai la cage d’escalier pour monter les marches et arrivée à l’entrée du couloir, je vis mes deux frères se poursuivre en tournant en rond. Ils avaient ouvert la double porte qui séparait ma chambre de la leur. Je fermai cette double porte en leur disant « C’est ma chambre, je ne vous ai pas autorisés à y aller ! et puis arrêtez parce que ça va chauffer si vous continuez ! Le lustre n’arrête pas de bouger en bas »
Il faut dire que le type de construction traditionnelle avec poutres et plancher n’isole pas des vibrations et des résonances phoniques.
Pendant que je me changeais, j’entendais mes frères parler à voix basse sans comprendre ce qu’ils se disaient. 
Je pris mon nounours dans mes bras car étant toujours en manque de câlins, mon « Bouba » (qui lui était blanc) comprenait tout. Je me rendis ensuite dans la chambre de mes frères qui s’étaient calmés en discutant face à face, chacun assis sur leur lit.
D’un coup, l’un des deux se leva, tourna autour de moi, l’autre se leva aussitôt et par devant me piqua mon nounours. Essayant de le rattraper, je courus après l’un, puis l’autre et, comme ils s'envoyaient de plus en plus vite mon nounours, je restai figée en leur disant, « Donne moi mon Bouba », à l’un, puis à l’autre, « Donne moi mon Bouba, … »
L’un d’eux me dit : « Viens le chercher si tu le veux » en me tendant mon ourson. Mais à peine arrivée près de lui, il le relança à l’autre, et s’était reparti...
Entre temps, nous entendîmes le père crier « C’est fini votre bordel ! Si j’monte, ça va fouetter ! » Et depuis l’étage du dessus, nous l’entendions taper du poing sur la table.
Alors mes frères me dirent tout deux, mais en continuant toujours à se lancer mon ourson : « Tais-toi, sinon ça va barder ! » et je leur répondis « Alors donnez-moi mon nounours ! » et ils me répondirent avec des sourires narquois « Hé hé, viens le chercher ! »
Les larmes m’envahirent, et dans ma tête une idée me vint. Je leurs dit alors en pleurant : « Donnez-moi mon Bouba sinon je tape des pieds ! ». Ils me dirent : « Bin vas-y, comme ça c’est toi qui prendras ! Pleurnicheuse ! »  Alors j’ai tapé, tapé, tapé, tapé mes pieds l’un après l’autre de plus en plus rapidement. Le père dit : « ho ! C’est fini la haut ! » Les garçons de leur coté me dirent « Arrête sinon on ne te le redonne pas ! » et de mon coté je leur répondis en parlant très fort :  « Donne moi mon Bouba ! » Et d’un coup…………….un énorme Boum !
En dessous… ce fut le silence…
… et d’un coup nous entendîmes le père repousser sa chaise sur le sol avec l’arrière de ses genoux, monter les escaliers… Entre temps, les garçons avaient jeté mon nounours vers ma chambre pour se planquer chacun derrière leur lit et moi je courus vers mon ourson pour le ramasser et retourner dans ma chambre sur mon lit après avoir pris soin de refermer ma porte
Le père longea le couloir, entra dans la chambre des garçons, leur mit à tout deux une dérouillée. Evidemment, avec le bruit qu’ils faisaient avant que je ne monte, je n’ai pas été accusée. Je me suis fait juste disputer pour ne pas avoir calmé le jeu des frangins.
Trois jours après, ma mère rigolait jaune du coin de la bouche en expliquant la chute du lustre sur la table et qu’heureusement il avait commencé à se reculer de son journal pour râler en direction du plafond car sinon, nous aurions pu le tuer !


Ces années là qu’étaient 1981 à 1983, j’ai connu le spectacle de Guignol. Je connaissais bien la chanson  de Chantal Goya, suite au disque trente-trois tours que mes grands-parents maternels m’avaient offert en cadeau mais je ne connaissais pas encore son spectacle.
Un samedi après-midi, je me souviens, D., la vendeuse qui travaillait avec ma mère s’est proposée pour m’emmener voir Guignol en même temps que sa fille qui avait deux à trois ans de moins que moi. J’étais toute contente. Il faut dire qu’un spectacle lorsqu’on est enfant est toujours impressionnant !
L’année suivante, j’y suis allé seule avec la fille de D.. J’en avais la garde, la responsabilité et j’en étais fière ! Mais le spectacle m’intéressait déjà beaucoup moins à sept ans que l'année de mes six ans.


Une de ces années, je me souviens de deux semaines de vacances chez mon Pépère d’U..
Mon Pépère était seul dans sa ferme car veuf depuis quelques années. 
Paysan, il avait dix, quinze vaches, une chienne berger allemand qui était la pour la compagnie, la garde et l’aidait à emmener le troupeau dans les champs, évidemment pleins de chats qui vivaient dans la grange et le grenier à foin mais aussi des poules, des coqs et des lapins.
Mon pépère était un bon vieux papi avec un énorme ventre très pratique pour faire des câlins que nous faisions après le repas et des mains énormes qui me couvraient le visage en douceur avec de lents mouvements de caresses qui diffusaient la chaleur.
Il se levait à quatre heures du matin. Avant d’aller dans l’écurie pour la traite qu’il faisait à la main, il relançait le feu dans la cuisinière à bois qui chauffait la pièce principale de vie de la ferme qu’était la cuisine, en buvant son café.
Il lançait la cuisson de la viande pour le midi dans la cocotte en fonte sur le coin de la cuisinière. Lorsque je l’entendais, je me levais pour aller lui faire un câlin mais allais me recoucher rapidement car j’avais froid et je n’avais pas assez dormi.
Après quelques heures supplémentaires de sommeil, je me levais. Il était huit heures, huit heures et demie. Je me levais en pyjama, recouverte de ma robe de chambre pour arriver dans la cuisine, devant la cuisinière, le temps de me réveiller. 
La douce odeur de viande rôtie me mettait l’eau à la bouche. J’allais ensuite dans la grange avec mon bol. Mon grand père qui avait fini la traite me versait une louche de lait tiède filtré, fraîchement trait des pis des vaches. 
Je retournais dans la cuisine pour y mettre deux à trois cuillères de chocolat pour le boire avec les tartines de beurre et de confiture maison ou de bonnes brioches de chez Thiriet réchauffées dans la cuisinière à bois ce qui leur donnait une délicieuse saveur !
Une fois le camion de lait passé, mon pépère venait se boire un p’tit r’montant qui était généralement un p’tit coup de rouge avec un peu de sucre pour se chauffer, accompagné d’un petit croûton de pain et repartait dans les champs. 
Pendant ce temps et après ma toilette, soit je dessinais en compagnie des chats que je faisais entrer dans la cuisine, soit je rejoignais S., la fille des voisins. Nous faisions de la soupe aux orties pour la donner à nos poupées, nous jouions à la marelle devant chez elle car le devant de leur ferme était goudronné, nous courrions dans les champs en évitant les vaches et les bouses de vaches, nous allions à la cueillette des fraises des bois et des framboises ou roulions à vélo.
Lorsque mon grand-père ne revenait pas pour manger, dans le but de finir  le travail commencé quand il ne restait plus grand-chose à faire, je mangeais chez les parents de S.. T. et D. étaient bien gentils. Sa grand-mère qui vivait avec eux était gentille aussi, mais j’avais beaucoup de mal à m’en approcher à cause d'un de ses yeux qui sortait de son orbite… elle me faisait un peu peur.
Lorsque le travail du matin était fini ou qu’il en restait trop à faire, Pépère rentrait manger avec moi, et l’après-midi je repartais avec lui assise sur la remorque du tracteur ou allais aux champs avec S. T. et D. assise également sur la remorque.
Le retour à la ferme se faisait généralement en fin d’après midi vers seize heures trente, dix sept heures. Ensuite nous allions rendre visite aux lapins. 
Pendant que mon grand-père nettoyait les cages, je commençais à leur donner le foin. Ensuite c’était les poules qui étaient juste à coté. Mais je n’avais pas le droit d’entrer dans le poulailler, c’était trop dangereux pour mon âge car le coq était agressif pour protéger les poules des inconnus… il faisait son travail.
Pour finir, il nettoyait l’écurie et déposait la bouse de  vache sur un tas derrière la ferme.
Une fois tout cela fini, nous mangions devant la télé qui était encastrée dans une niche creusée dans le mur à coté de la grande table de cuisine. La télé était juste un bruit de fond habituel qui servait un peu de compagnie.
J’adorais sa salade de pommes de terre tiède avec des rondelles de cervelas que nous mangions avec un morceau de pain. Et souvent pour le soir il me faisait une tarte au sucre.
Je me souviens aussi d’une soupe magique qu’il nommait « la soupe aux yeux de grenouilles » qu’il citait avec un clin d’œil et un grand sourire. Elle était délicieuse !  C’était en fait une soupe au tapioca dans laquelle il cassait un à deux œufs frais dès qu’il la retirait du feu. Avec un petit filet de crème fraîche c’était succulent, et si simple !
A cette époque, les toilettes étaient au froid, dans le fond de la grange à droite, face à l’entrée des poules. Pour y aller, c’était sombre et j’avais toujours un peu peur. Mais le pire dans tout cela, c’était les araignées au plafond et dans les angles de la pièce. Alors j’avais l’autorisation de faire mes besoins dans la rigole de l’écurie. A chaque fois, c’était rigolo et agréable, car même lorsqu’il faisait froid, la chaleur diffusée par les vaches tempérait largement l’endroit.
Le soir, après avoir remis mon pyjama et lorsque le temps était trop froid, pépère remettait un arrosoir de fuel dans la pièce ou je dormais. Le lit était grand, entouré à la tête et sur le coté droit d’un bois de lit avec des petits rangements. Au dessus des draps et de la couverture, il y avait une courte pointe qui était lourde, mais lourde, mais sans elle, j’avais froid.
Un soir où je n’arrivais pas à me réchauffer, je suis allé faire un câlin à mon grand père qui était encore à la cuisine. Il me raccompagna à mon lit pour me border et me donna sa technique de chauffe qui était de rouler le bout des pieds l’un contre l’autre. Cela mettait un peu de temps, mais marchait très bien.

Les vacances chez mon pépère finies, c’était le retour à la maison. Mais tous les quinze jours, trois semaines et depuis toujours, nous allions passer le dimanche avec lui. C’était un moment de retrouvailles avec les cousins cousines. Mon père avait trois frères, dont un aîné qui était mon parrain, et une sœur.
Nous nous retrouvions chez pépère parfois seuls avec lui ou avec un ou plusieurs oncles et tantes.
La plupart du temps, nous y étions en même temps que mon oncle G.. 
B., sa femme aimait se retrouver avec ma mère pour faire quelques parties de scrabble en hiver et papoter sur une couverture à l’ombre d’un pommier dans le dans le verger en pente qui était face à la ferme en été. 
De mon coté, je retrouvais A. ma cousine et T. son petit frère qui nous suivait comme un chien.
Avec A., nous aimions aller dans le grenier, zone interdite par le grand-père car le foin était la nourriture des bêtes. Nous montions sur les bottes de foin les plus hautes, car le grenier avait deux niveaux décalés, pour sauter dans le foin déposé en vrac à la fourche et dans lequel les chats adoraient faire leur galeries et leur nids douillets pour cacher les petits chatons.
Dès que le grand-père nous entendait rire ou sauter, il disait en venant vers nous : « bou diou d’bou diou, descendez du grenier après les bêtes mang’rons plus l’foin, descendez tout de suite de là haut, bou diou d’bou diou ! »
Au bout d’un moment, nous descendions car nous avions plein de petits boutons causées par la contact avec les brins de foin.
Ça sentait bon ! J’adorais cette odeur. Et comme les minous étaient souvent dedans, leurs poils en étaient parfumés.
Nous jouions également à la marelle et faisions aussi du vélo.
A. m’énervait toujours au bout d’un moment car bien qu’elle fût toujours plus jeune que moi, elle faisait toujours la maligne et me disait toujours « minute papillon ! ». Entendre cela plus de vingt fois dans la même journée était lassant.
Nous montions à pieds, la côte du moulin, qui était à cent mètres de la ferme, car elle était trop raide pour la monter à vélo, même en zig-zag et la descendions sans même pédaler. La descente était tellement forte que nous n’avions à peine besoin de pédaler pour arriver jusque devant la ferme.
Son petit frère T. qui nous suivait tout le temps et qu’A. prenait des fois sur son porte bagage nous a fait une colère pour faire une descente avec nous.
Pour être un peu tranquille et qu’il cesse sa colère, A. l’a pris sur son porte bagage depuis les trois quart du haut de la côte, lui dit de bien s’accrocher en lui plaçant ses mains sur son ventre et commença à rouler en freinant un peu pour éviter l’accident.
Dans l’élan, Thomas se mis à se pencher sur un coté et A. perdant l’équilibre… badaboum, patatra !
La chute fut double. T. hurla, A. pleura très fort de mal et de peur en ramassant son vélo, en essayant de calmer son petit frère et en rentrant doucement car … elle en avait la responsabilité ! De mon coté, je courus chercher  ma tante B. qui  sortit rapidement ayant entendu les cris et les pleurs de loin et depuis l'intérieur. Elle prit T. dans ses bras car il saignait fort mais il n’avait pas grand-chose, juste une plaie sur l’arcade sourcilière. Elle disputa dans le même instant A. d’avoir eu une idée aussi folle, regarda son menton qui pissait le sang et dit : « Allez hop ! C’est l’hôpital hein, y’a des points de suture à faire ! »
Ils partirent d’urgence en direction des urgences d’Épinal. Ma tante B. savait de quoi elle parlait, elle travaillait dans le milieu médical en temps que laborantine.

Un autre jour en été, nous courions dans la descente du champ d’en face depuis le haut du coteau. Habillée en tenue d’été avec une robe à bretelles et des nu-pieds plein de fines lanières de cuir maintenues chacune par des petites boucles métalliques comme la fermeture d’une ceinture, les brins d’herbes me chatouillaient les pieds et je rigolais pour un rien. Soudain, mon pied gauche glissa provoquant ma chute dans l’herbe. Rien de grave, mais ce qui me fit glisser et m’apporta une douce sensation de chaleur, c’était une bouse de vache fraîchement déposée. 
En arrivant à la ferme, ma mère et B. qui papotaient sur le banc de pierre devant la ferme éclatèrent de rire en me voyant arriver le pied gauche « embousé ».  Nettoyé par un bon coup de  jet d’eau bien froide avec le tuyau d’arrosage  du jardin situé sur le coté de la ferme, ma mère me dit de me prendre une bonne douche des pieds à l’eau tiède dans la baignoire pendant qu'elle nettoyait les sandales et tout était réglé.

Aux moments de fêtes de Pâques, de la Toussaint et le jour de Noël, c’était la réunion familiale. Nous nous retrouvions tous et entre le grand-père, les oncles et tante, les cousins, cousines, et nous mêmes, nous étions vingt trois. Bien que contente de revoir tout le monde, ce qui me gênait et m’énervait le plus était de faire la bise et dire bonjour à tout le monde à la queue leu-leu car nous arrivions toujours ou presque toujours les derniers.

Notre vie au dessus du magasin n’a duré que deux ans. Mon père n’aimait pas vivre à cet endroit. De mon coté, j’aimais bien, car il y avait bien plus d’occupations et même lorsque je m’ennuyais, l’observation de la rue devenait une partie de rigolade en solo. Je n’y pensais pas à l’époque, mais j’aurais pu commencer une carrière humoristique.

Je suis très vite passée dans "la cour des grands" en travaillant avec ma mère dans son commerce lorsque je rentrais de l'école. 

A Bientôt pour la suite... 


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