Une fois de plus, je pensais
à mon grand-père maternel qui me disait toujours... "Quand on veut, on
peut !" . Pour cette fois c'était bien vrai. Peut-être
arriverai-je mieux à tout dans la vie avec cette volonté ? Les idées tournaient
dans ma tête.
De retour au commerce de ma mère,
je lui décris l’entretien avec R.
La fin de semaine passât et le
collège reprit avec une semaine plus agréable à suivre grâce à ma motivation
pour ce désir professionnel.
Avoir enfin une bouffée d'oxygène
dans cet enfer éducatif grâce à cette approche dans le monde adulte !
Encore deux bons mois de cours
avant mon initiation professionnelle...
Lors de l'entretien individuel
d'orientation professionnel avant la fin d'année scolaire, ne voulant déjà plus
aller en cours, j'ai demandé à passer en cours techniques et tertiaires pour
préparer un vrai départ professionnel.
Des classes plus proches de la vie
qui offraient des leçons informatiques, des extraits de la vie de tout les
jours et des cours de cuisine.
Un niveau de classe qui me
convenait parfaitement grâce à cette approche plus réelle de la vie. Des cours
avec une seule langue étrangère qui me suffisait amplement vu mes
difficultés de mémoire suite à l'épilepsie.
Mes parents ont acceptés ma
demande, vu que ma moyenne générale était basse. Ma tante qui était professeur
de français et de musique leur a fait comprendre que c'était mieux que de
m'imposer des cours que je redoublerai régulièrement avec mon raz le bol de
l'école.
Les seules classes que j’aimais
étaient la musique, le dessin, l'éducation manuelle et technique, les
mathématiques et la géométrie.
Tout le reste qui demandait à être
retenu par cœur et qui n'avait pas de déductions logiques stagnaient dans une
moyenne de neuf, dix sur vingt toujours pour les même raisons : les trous de
mémoires qui ne revenaient jamais entiers suite aux crises d'épilepsie.
Les jours passaient. Les mercredis
après-midi, et samedis, je proposais mes services aux commerçants de la ville
pour nettoyer leurs vitrines extérieures pour me faire de l'argent de poche.
Mes frères avaient leur argent de
poche mensuel par les parents, mais moi, non. Pourquoi?
Je n'avais que quelques récompenses
à chaque travail fait pour eux, comme une veste de cuir un jour de foire
d'automne ou je gardais le stand extérieur... Ce jour là, j'ai vendu au moins
trois poussettes avec leurs nacelles de landau !
A quatorze ans déjà, je me fixais
un seul but, travailler pour partir de la maison et réaliser ma vie sans aide
de qui que ce soit.
Il faut dire que les seuls moments
ou mes parents m'offraient quelque chose, ce n'était pas comme ça, pour le
plaisir d’offrir, c'était pour les anniversaires, les Noëls et tout les autres
"cadeaux" étaient soit comme des salaires, soit un préparatif pour
une demande à venir.
Pendant ces vacances scolaires de
printemps, voyant ma mère coudre toujours pour elle et très décidée à apprendre
un maximum de choses pour me débrouiller seule par la suite, je lui demandai de
m'apprendre la couture.
Un soir, la rejoignant à sa
boutique après les cours, elle m'emmena au magasin de tissus qui se situait quatre
à cinq boutiques plus loin.
La présence de D. la vendeuse avait
un coté très pratique lorsque nous devions nous absenter.
En entrant dans la boutique, les
étalages de rouleaux de tissus sur deux niveaux comblaient cette grande pièce
bien éclairée.
Ma mère me demanda de choisir un
modèle de vêtements sur le catalogue, référencés dans les patrons de couture
"facile"
Au bout d'un petit quart d'heure,
mon choix fût fait. Une combinaison avec un décolleté noué dans le dos.
Je choisi un tissus fleuri avec une
majorité de bleu turquoise.
J'avais hâte de commencer, mais il
fallait attendre le dimanche car ma mère travaillait du mardi au samedi dans sa
boutique.
Pour faire passer le temps et
m'instruire, j'allais parfois dans une petite librairie étroite et toute en
longueur discuter et poser plein de questions à la propriétaire de la boutique
et sa vendeuse.
La commerçante me montrait le
fonctionnement de sa caisse... Il faut dire que des caisses comme celle-ci ne
se voyaient déjà plus. Elle était purement mécanique avec de belles touches
rondes métalliques qui restaient enfoncées lorsqu'on appuyait dessus et qui
remontaient après l'appui de la touche d'encaissement.
" L'écran", recto - verso
s'il vous plait, qui indiquait les montants à la commerçante comme aux clients,
était mécanique aussi. Les chiffres représentés par de très petites
ardoises défilaient en tournant sur eux-mêmes. C'était fabuleux !
J'observais tellement bien cette
caisse à chaque nouvel encaissement qu'un jour, la responsable qui avait très
bien comprit mon envie, me fit appuyer ce qu'elle me dictait ... Les touches
étaient très fermes et en appuyant dessus, elles s'enfonçaient par un mouvement
légèrement courbe. C'était fascinant !
Les jours passent et la fin de
semaine arrive.
Le dimanche, après quelques
explications et repérages sur le parton de couture, je commençai ma première
découpe dans le papier de soie
Après avoir disposé le tissus plié
en deux le long de la table, ma mère m'expliqua les sens du tissu, la trame, la
chaîne ou le droit fil, les lisières, le biais et les repérages du droit fil,
des pliures de tissus sur les patrons.
Elle me fit poser les pièces de
patrons sur le tissu en les épinglant régulièrement puis me demanda ensuite de
tracer la ligne de coupe à la craie tailleur en respectant les distances
nécessaires pour les coutures.
Après vérifications, elle me donna
le feu vert pour la coupe. Ce que je fis...
Le dimanche matin passa très vite!
Il fallut ranger tout notre bazar
pour mettre la table... vivement l'après midi !
Après notre repas je repris mes
leçons de couture.
Ma mère m'expliqua comment tenir le
tissu pendant son piquage en machine, le fonctionnement de la machine avec la
recharge de la canette, le point droit et le zig-zag qui servait de surfil pour
éviter que le tissu ne s'effiloche avec les frottements sur la peau.
Après quelques exercices sur les
chutes de tissus, ayant tout compris, je commençai ma combinaison. Il fallut
quelques explication supplémentaires pour cranter les coutures arrondies et
couper les surplus des angles de coutures pour qu'en retournant le travail sur
l'endroit, le tombé soit impeccable, mais à part ça, cela ne me paraissait pas
compliqué.
Il ne me fallut pas plus du
dimanche et du lundi pour finir mon premier vêtement.
Motivée par cette première
réussite, l'envie de réaliser une seconde combinaison en blanc pour travailler
cet été me tentait beaucoup.
Dans le salon de R. les seules conditions
étaient de porter des vêtements blancs au printemps et en été et des vêtements
noirs en automne et en hiver.
Je me fixais un budget en calculant
les métrées car il était très important pour moi de me payer ma première tenue
professionnelle sans l'aide de qui que ce soit.
Bien qu'encore collégienne, en peut
de temps, ma vie fût déjà bien chargée de multiples activités.
Pour faire passer le temps plus
rapidement les jours de cours, je m'étais inscrite au club chorale.
Les soirs après avoir fait en
partie mes devoirs au fond du magasin de ma mère, je l'aidais dans sa boutique
car il y avait toujours quelque chose à faire et D. la vendeuse ne travaillait
plus suite à son futur congé maternité.
Ma mère ayant des problèmes de
disques usés et de "bec de perroquet" dans le dos, je lui montait ou
lui descendait les cartons de vêtements des collections des années précédentes
lors des changements de saisons.
Depuis plus d'un an, je servais les
clients jusqu'à l'encaissement qu'il soit en espèce, par chèque ou carte
bancaire. Les temps ont déjà bien changés car à l'époque, pour les paiements
par carte bancaire nous les passions dans ce que l'on surnommait "le fer à
repasser" qui imprimait par papier carbone les montants, dates et numéros
de carte que le client signait.
Il m’arrivait parfois de garder le
magasin toute seule pour que ma mère puisse avoir ses séances chez le
kinésithérapeute.
Je prenais confiance en moi.
Le temps passait... mon désir de
mourir s'éloignait progressivement... l'épilepsie faisait toujours fond
mais je luttai, j'essayais de repousser les crises qui se transformaient
régulièrement en absence mais lorsqu'elles gagnaient la bataille c'était encore
plus spectaculaire.
Un lundi, jour ou ma mère ne
travaillait pas, nous nous sommes rendues dans une de nos boutiques préférées
qui vendait des tissus à prix très compétitifs.
Une après midi de shopping et
de plaisirs car j'avais trouvé le bon tissu pour la réalisation de ma première
tenue professionnelle. Un tissu blanc et fluide dont le tissage formait de
jolis motifs fleuris brillants sur fond mate d'un coté et inversement de
l'autre coté.
Enfin désireuse de construire ma
vie, ma combinaison fût très vite réalisée.
Je continuai ensuite avec ma
première parure de lit composée d'une housse de couette et de taies d'oreiller
à volants. Cette parure était encore dans mes armoires avant l'incendie.
Mon projet était maintenant de
préparer en deux ans mon trousseau pour avoir tout ce qu'il me fallait le jour
ou je partirai m'installer seule chez moi pour commencer ma vie.
Le mini-marché ou ma mère faisait
les courses presque tout les midis donnaient des points fidélité par tranche
d'argent dépensé sous forme de timbres, qui une fois collés sur le carnet face
aux articles souhaités, nous faisait gagner de la vaisselle, des casseroles, du
linge de maison,... . Ces points l'intéressant très peu, je les récupérai pour
préparer mon trousseau.
Au fil du temps, je rangeais mes
affaires gagnés dans le haut du placard, fermé par cinq grands portes
coulissantes à miroir qui prenait tout le mur derrière la porte de ma
chambre qui ouverte à l'équerre de l'huisserie, laissait vingt petits
centimètres d'espace.
La fin de l'année scolaire passât
très vite !
La veille de mon premier jour de
travail bénévole fût un peu déroutante, je me posais beaucoup de questions,
comment faire si ... ou que dire si cela ...
Après avoir préparé toutes mes
affaires, je me couchai tôt pour bien me reposer et être au point pour ma
grande première.
Cette nuit fût longue, je ne
dormais pas beaucoup de par l’excitation de ce premier jour de travail !
Levée tôt le matin par peur d'être
en retard, je pris un bon déjeuner de céréales et après une bonne douche et un
moment de détente dans le canapé, je partis à vélo avec un bon quart d'heure
d'avance en direction du salon de coiffure.
Arrivée la première devant le salon
avec dix minutes d'avance, j'attendis à peine 5 minutes avant de voir arriver
l'une des première collègues.
T. ouvrit les portes en se
présentant et me fit entrer...
Après m'être présentée je ne savais
quoi dire... alors comme mon grand-père me l'avait appris, je tournai sept fois
la langue dans ma bouche avant de ne dire quoi que ce soit.
T. se mit à me parler pour détendre
l'atmosphère... car elle avait tout compris, ce qui me fit beaucoup de bien.
Elle me montra rapidement ce par
quoi il fallait commencer le matin dans l'armoire placée derrière les bacs à
shampoing, en préparant le café pour le personnel mais aussi pour les clients.
Je la suivi ensuite en montant
l'escalier en colimaçon caché derrière une porte qui menait au laboratoire ou
elle me montra le pliage des serviettes sèches dans le sèche-linge, et la
remise en route des machines.
Très peu de temps après, R. et
l'équipe venant de la région voisine arrivèrent.
Une fois les présentations faites,
R. jeta un coup d’œil sur le planning et me demanda de le suivre avant que sa
première cliente de la journée n'arrive.
Il m'expliqua rapidement le
fonctionnement de ses salons car il en avait trois, me cita les plus
responsables qui prenaient plus de décisions que d'autres lorsqu'il n'était pas
présent et me posa quelques questions.
De mon coté, je lui confiai mon
état de santé, ma gêne de ces problèmes et de mes différents états
"d'après crise" car il était très important pour moi de lui en faire
part avant de commencer car je voulais honnêteté franchise entre nous.
Après de multiples échanges, il me
fit comprendre que ce n'était pas grave, qu'il fallait faire avec et appela les
coiffeuses qui étaient libre pour leur en parler et nous donner les consignes
si jamais cela venait à arriver.
Il posa sa main sur mon épaule, me
rassura en m'expliquant que pour lui, tout son personnel était comme une grande
famille et que chacun était là pour se compléter et s'entraider car sans bonne
ambiance et sans entre-aide, une entreprise ne pouvait pas fonctionner
correctement.
Sa cliente arrivant, il me mit
entre les mains d'E. qui avec ses collègues commencèrent à m'expliquer les
produits en réserve, en salon, les outils et accessoires puis leur façon de
réceptionner la clientèle et l'organisation pour qu'il n'y ai jamais d'attente
lors des coups de bourre.
De moins en moins de coiffeuse étant
libre, j'observais, je balayai dès que j'en avais l'occasion.
Dès que j'avais un moment de libre,
l'une ou l'autre des coiffeuses me demandait de faire quelques chose jusqu'à
leur passer les papiers pointes lors des montages de permanentes. Elles faisaient
tout pour m'aider à prendre de bon rythme.
J'ai très vite compris qu'il ne
fallait jamais rester dans son coin pour ne jamais laisser l'impression aux
client que nous ne faisons rien.
Ce premier jour, j'étais un peu
perdue, je me sentais un peu comme droguée à suivre le rythme de tout le monde
pour leurs rendre un maximum de services car je ne voulais pas être là, comme
un cheveu sur la soupe et leur faire perdre leur temps.
La fin de journée arrivant, nous
faisions le ménage de ce grand salon pour entrer toujours dans un lieu propre.
R. me demanda le ressenti de ma
première journée... j'étais ravie, fatiguée mais ravie car ce n'étais qu'un
rythme à prendre.
Avant de repartir il me donna son
accord pour continuer ensemble déjà un mois.
Je rejoignis ma mère à sa boutique
avec le plaisir d'une première journée de travail.
Une journée pleine de
découvertes... et ce n'était pas fini !
Tout au long de la semaine,
m'adaptant facilement au rythme des coiffeuses, je commençai à prendre quelques
initiatives en devançant leur demande. Tout le monde était content.
La semaine suivante, je fis
connaissance avec J.F. qui était le seul homme du salon, sans compter le
patron. Il était en contrat d'apprentissage et était bien sympathique.
J'appris les mélanges et préparations
des colorations, des décolorations, les recharges de shampoings, des découpes
de papiers aluminium selon les longueurs des cheveux pour la confection des
mèches et en complément de cela, j'observais la réalisation des shampoings,
l'applications des colorations et les montages des permanentes.
Progressivement, j'appris. Ma
volonté de fer y faisait beaucoup.
Dans le courant de la troisième
semaine, j'appris l'émulsion des shampoings et l'application des soins grâce à
la gentillesse des collègues qui me confiaient leur tête lorsqu'elles avaient
le temps de se faire coiffer entre elles. Elles m'apprirent également les
rinçages et fixations de permanentes, les émulsions des colorations pour finir
avec les applications des colorations fugaces et semi permanentes.
Comme le salon était ouvert du
temps de midi, chaque jour, l'un de nous faisait la liste des courses selon ce
que chacun souhaitait manger. D'autres apportaient leur repas.
Nous avions tout à porté de main.
Un évier, un four à micro-ondes des plaques de cuisson, des casseroles, toute
la vaisselle nécessaire et tout ce dont nous avions besoin pour faire notre
petite popote.
Plus d'un tiers des clients
offraient un pourboire de cinq ou dix francs rien que pour le shampoing.
Je n'en revenais pas, au cours de
cette troisième semaine j'ai gagné plus de cent francs de pourboire.
Et ce n'était qu'un début !
La quatrième semaine finissant mon
premier mois de travail fût un rappel de tout de tout ce que j'avais fais les
trois semaines précédentes.
Le rythme était pris, j'étais à
l'affût de la moindre chose à faire pour rendre service, et cela me plaisait.
Il faut dire que réussir à réaliser
le début d'un rêve à quatorze ans est plutôt rare!
R. était très observateur. Ses
observations, je les ressentais en bien, comme un soutient pour me conduire
vers la bonne voie.
Il n'hésitais pas à critiquer qui
que ce soit, mais toujours avec diplomatie et son charisme apportait beaucoup
de confiance.
Un jour ou je démêlais les cheveux
d'une de ses clientes attitrée, il est arrivé derrière moi en me disant
discrètement tout en me redressant les épaules avec ses deux mains "tiens
toi droite, rentres tes fesses, rentres ton ventre! Tu dois être fier de ce que
tu fais et ton corps te remerciera plus tard car tu ne sera pas voûtée, il faut
avoir la bonne position dès le début !" il continua son chemin en
direction de la machine à café, et ramena deux tasses pour en boire un avec sa
cliente.
Je ne m'y attendais pas, ma mère ne
m'ayant jamais recommandé quoi que ce soit sur ce sujet, je ne me rendais pas
compte de ma tenue et en m'observant un peu plus, je me rendis compte qu'il
avait raison... Merci R. !
Sa cliente me fit un grand sourire
avec un battement de paupières confirmant ses mots, je lui souris et me reculai
pour observer le chef travailler.
Parfois il me faisait participer à leurs
conversations, c'était un plaisir de faire des efforts pour progresser avec R.
L'observer de près comme de loin
était très formateur car il avait les bon mouvements, les bonnes attitudes.
Parfois il s'exprimait fort en rigolant dans le salon pour faire participer et
partager la bonne ambiance avec tout le monde mais il avait toujours le tact
d'un vrai gentleman.
Ce mois de juillet passé à
travailler bénévolement mais tout de même payé par les poire-boires des
clients, était pour moi une bouffée d'oxygène. La découverte de cette
profession me plaisait. Je voulais continuer.
Mais mes parents étaient
propriétaire les quinze premiers jours du mois d’août de leur appartement aux
Baléares et ils y partaient comme tous les ans.
Chaque soir de ma quatrième semaine
de travail, lors du soupé, je leur demandais pour rester travailler en les
rassurants car mon frère aîné F. restait lui aussi. Il me suffisait de partir à
vélo le matin pour aller travailler, de revenir à vélo le soir et de faire à
manger pour nous deux le soir. Tout cela que pendant quinze jours.
Bien que le non soit ferme en début
de semaine, au fil des jours j'arrivais à donner de plus en plus d'explications
et ils m'ont donné leur accord le vendredi soir.
Le dernier samedi de mon premier
mois de travail et après un petit compte rendu oral avec R., montrant mon désir
de travailler dans son salon de coiffure, il accepta mes services sous
condition de l'accord parental.
Le travail reprit un mois de plus.
J'étais ravie ! Pouvoir travailler
presque toutes mes vacances était pour moi l'expérience d'un premier pas vers
la vraie vie.
Ce deuxième mois fut pour moi un
moment de perfectionnement sur tout ce que j'ai appris le premier mois.
Suite à certains conseils des
coiffeuses à qui je faisais le shampoing lorsqu'elle se faisait coiffer,
j'améliorai la technique en leur massant le cuir chevelu. Un petit effort de
plus pour un résultat très rentable qui me permis de récolter plus de
pour-boire sans faire beaucoup plus de shampoing.
Une fois de plus, toute peine
mérite salaire...
Lorsqu'il y avait moins de monde,
je n'hésitais pas à nettoyer la bande de laiton qui couronnait le podium,
nettoyer les brosses et tout ce qu'il fallait faire pour faire gagner du temps
aux autres coiffeurs.
R. avait toujours le sourire, il
relevait régulièrement ses sourcils comme pour me montrer une certaine
satisfaction.
Je ressentais comme un effet
"boule de neige" de progrès, de réussite et de plaisirs en commun.
Pendant ces deux mois, malgré les
odeurs de colorations, d’ammoniaque ou bien d'autres produits, je n'ai eu que
trois petits vertiges qui ne m'ont demandé que dix minutes de remise en état.
Le premier vertige, eu lieu un
samedi après un moment intense de travail en prenant l'air près d'une fenêtre
entre ouverte derrière les bacs-shampoings.
Je m'étais reculée discrètement
dans mon coin, mais G.l'une des coiffeuses qui ne travaillait pas loin s'aperçu
tout de suite de mon état. J'étais tout à fait consciente. Elle s'excusa deux
minutes auprès de sa cliente, me fit monter au laboratoire, appela discrètement
R. qui finissait d'encaisser sa cliente et à peine ai-je eu le temps de
m’asseoir, qu'il arriva déjà.
J'ai beaucoup aimé cette discrétion
et leur douceur. Ils me parlaient tout deux calmement comme s’ils étaient
habitués à de telles situations et lorsque je pu réellement parler, G. repartis
vers sa cliente.
R. me posa quelques questions pour
mieux me connaitre dans cette situation et savoir surtout quoi faire d'autre
selon l'état dans lequel je me trouvai.
En fait, il n'y avait rien d'autre
à faire que ce qu'ils avaient fait, c'était parfait!
Je le remerciai avec la larme
à l’œil car une boule d'angoisse s'empara de moi. je fit tout pour la
repousser...
Il passa son bras autour de mes
épaules et en exerçant une légère pression de réconfort, il me dit de ne pas
m'inquiéter, qu'il fallait faire avec et de me détendre un peu avant de les
rejoindre en bas.
Il descendit au salon.
Une fois seule dans le laboratoire,
je relâchai la boule d'angoisse qui était en moi les larmes m'envahirent, mais
souhaitant que tout cela s'arrête, je me mis à plier les serviettes qui
n'attendaient qu'à être pliées dans le sèche linge. Ça allait mieux, car je
voulais travailler pour préparer mon avenir, c'était ma seule motivation.
J.F me rejoignit et G. suivit, car
elle avait fini de coiffer sa cliente. En montant d'un pas express avec un
grand sourire elle me dit :
"Bah alors ma grande ! Qu'est
ce que tu nous fais ? ça va mieux ?"
Je lui souris timidement en lui
faisant un petit signe de la tête car j'étais très gênée...
Elle me dit :
" Hé c'est bon, ne t'inquiète
pas, tu nous fais signe et on t'aide, on est tous là pour s'entre aider sinon,
on n'avance pas !"
Merci G. pour ton soutien et ta
gentillesse et merci R. à vous et toute votre équipe pour l'aide que vous
m'avez apporté cette fois ci mais aussi les deux autres vertiges durant ces
merveilleuses vacances scolaires on ne peut plus formatrices !
Le dernier samedi de ces vacances,
j'ai demandé à R. les possibilités, s'il le souhaitait, pour revenir travailler
bénévolement dans son salon tout les samedis en attendant les prochaines
vacances scolaires.
R. accepta après un accord commun
avec la condition de me reposer les jours ou j'en ressentais le besoin.
Je reparti ravie, avec hâte de
rejoindre cette équipe professionnelle.
Après un bon weekend de repos le
jour de la rentrée scolaire arrive...
Un mardi 5 septembre...
Levée plus tôt que les jours
travaillés pendant mes vacances, après un bon petit déjeuner je pris le bus. Je
ne cessais de penser à mes vacances formatrices.
Cette première semaine de lycée, je
fit connaissance de S..
Elle était douce et gentille et
comme nous nous entendions bien, nous étions l'une à coté de l'autre en classe.
Le vendredi soir arriva très vite.
Rejoignant toujours ma mère à son
commerce chaque soir après les cours, je profitai des trente minutes restantes
avant la fermeture pour aller chercher 500 grammes de margarine pour réaliser
une pâte feuilletée, et une boite de compote de pomme.
De retour à la maison, je fis ma
pâte feuilletée avec un kilo de farine pendant que ma mère préparait le repas.
Après le repas, je donnai les trois
derniers tours à ma pâte puis mis en forme une vingtaine de chaussons aux
pommes. ça sentait bon dans la maison !
Mes frères voulaient en prendre,
mais je leurs dit non! Ces chaussons dont les ingrédients étaient payés avec
mes pourboires étaient réservés à tous mes collègues pour le lendemain.
La réalisation de ces chaussons
était pour moi un remerciement à toute l'équipe pour tous les conseils apportés
de chacun pendant les vacances.
Chargée de mes chaussons aux
pommes, ma mère me déposa devant le salon et reparti finir de se préparer.
En arrivant dans le salon avec mon
plateau couvert d'un torchon dans les mains, R. et toute son équipe levaient
les sourcils. Ils n'y croyaient pas.
Mon effet de surprise a bien
marché. Que ce soit en guise de petit déjeuner de dessert ou d'en-cas, chacun y
trouva son moment pour les savourer.
Le samedi passa très vite. Une
bonne journée de plus, appréciée et grandement rémunérée de pour boires suite
aux plannings très chargée pour ce samedi de rentrée scolaire.
Le travail me plaisait.
Tout au long de ces deux années
j'ai travaillé les samedis et les mercredis après midi la seconde année, sauf
lorsque j'était collé.
Me sentant mieux dans ma peau,
j'avais tendance à dire ce que je pensais crûment et maladroitement à la façon
adolescente, sans manquer de correction, mais les professeurs n'aimaient pas
mon comportement particulier.
J'avais mon look à moi, je n’aimais
pas suivre la mode pour être habillée comme tout le monde.
Avec mes pour boires et vivant chez
mes parents, j'arrivais à m'offrir des vêtements "René Dherry" que
j'aimais beaucoup porter avec des chapeaux.
S., mon amie de classe, aimait mon
expression physique partagée par mon comportement et mes tenues.
Nous étions toujours ensemble et de
plus en plus toutes les deux dans notre coin pour discuter de ce que d'autres
ne comprenaient pas.
S. était comme à mes petits soins
dès que je ne me sentais pas bien... car l'épilepsie faisait toujours front.
C'était gênant, mais notre amitié se tissait au fil du temps. Elle m'aidait
beaucoup pour les cours que je ne pouvait pas noter suite à mes visites sur
Oxo.
Elle me tenait la main et me
parlait. S. était une amie exceptionnelle !
Lorsque les cours ne nous
plaisaient pas, comme nous étions au fond de la classe la plupart du temps, S.
écrivait de la prose pendant que je dessinais. Nous échangions régulièrement
nos feuilles pour admirer ce que nous faisions chacune.
Les seuls cours ou nous ne pouvions
faire cela était le français car S. aimait le français et nous étions au
deuxième rang, quand aux cours informatiques et de cuisine, ce n'était pas
possible de faire autre chose, mais nous aimions plus ou moins selon les
sujets.
Les cours sous DOS n'étaient pas évidents.
J'étais déjà tellement habituée aux inventaires, aux chiffrages à la main que
je ne comprenais pas beaucoup l'utilisation de l'informatique qui demandait du
temps à programmer avant de servir à de simples calculs.
Madame S. était très gentille. Elle
nous faisait rire les matin lorsqu'elle traversait la cour pour rejoindre la
"salle des prof" car bien en chair, elle marchait en faisant basculer
son corps de droite à gauche avec en hiver, sur la tête, son bonnet orange vif
assorti à la couleur de sa voiture. Elle voyait que nous rigolions d'elle mais
avait toujours le sourire.
Les cours de cuisines étaient bien
aussi, mais nous n'aimions pas le prof qui nous collait en venant trop près de
nous et avait un regard vicieux.
Il était énervant ! Avec S. nous le
surnommions Gui-gui.
Je me souviens du jour ou nous
avons appris à monter les blancs en neige à la main. Personnellement, je
l'avais déjà fait à la maison et comme nous étions par groupe de deux, S. me
laissa les monter car elle n'en avait pas envie.
Me voyant monter les blancs du
premier coup, il se mis derrière moi, passât sa tête au dessus de mon épaule
avec un grand sourire mais restant trop longtemps dans cette position, d'un
coup, je lâcha mon fouet en faisant de grand mouvements circulaires avec mes
bras en lui disant :
"De l'air, de l'air ! il y a
mon espace et ton espace ! alors ne me colle pas !"...
Il s'éloigna avec le sourire en
fronçant le nez et en marmonnant "gna gna gna!" Il était vraiment con
!
Il faut dire qu'il ne s’attendait
pas à ce que je réagisse de la sorte.
Pour ma part, avec ce que j'ai subi
quelques années auparavant, il ne fallait pas m'approcher. J'étais parfois même
agressive.
Comme il continuait ces actions et
ses regards vicieux, un jour je suis allée me plaindre à la direction, ce qui
nous a permis d'avoir un peu plus de respect de sa part.
J'aimais beaucoup S., elle me
parlait de ses projets, de partir sur Paris,... et de mon coté, j'avais mes
projets de coiffure... après ces deux années, nous ne nous sommes plus revues.
Quelques temps après notre examen
de fin d'année, S. m'a envoyé une carte postale que j'avais jusqu'à ce que
l'incendie bouleverse notre vie. Je ne lui ai jamais répondu par écrit car je
n'aimais pas écrire. J'ai essayé de la contacter à plusieurs reprises par
téléphone mais soit elle n'était pas là, soit ça ne répondait pas. Alors je
pensais qu' jour peut-être, suite au destin, nous nous reverrons et seront à
nouveau en contact.
J'ai toujours pensé à elle et
l'amour que j'avais pour elle est toujours resté en moi avec l'espoir de la
revoir un jour.
Je me consolais par mon travail qui
venait de démarrer...
R. ayant déjà son effectif
d'apprentis, il me prit du mois d’août au mois de décembre en Stage
d'Initiation à la vie Professionnelle qui était peu rémunéré, mais qui me
convenait car j'apprenais et ne perdais pas mon temps. Après ce premier
contrat, un second contrat à temps partiel (selon mon age) du mois de janvier
jusqu'à fin août.
Cette année de préapprentissage me
permis de m'améliorer.
Je continuais toujours les coups de
balais, le travail aux bacs shampoings et le service des cafés, mais observais
toujours.
J'appris l'application des
colorations sur les collègues, puis la réalisation des mèches en papillotes
dont M. était une grande spécialiste !
C'est avec elle que je fis mes
premières mèches. Elle était à coté de moi, me commentait dans mon travail pour
me faire faire les bons gestes. Les clients étaient très sympathiques et
encourageants.
Lorsque les moments était plus creux,
mes collègues m’apprenaient les montages des permanentes sur une tête
d'apprentissage.
Tout me plaisait tellement que
j'apportais de temps en temps des pâtisseries que je faisait la veille au soir
en guise de remerciement pour toute l'aide apportée de mes collèges mais aussi
R. le patron.
Le premier septembre 1992 commença
mon contrat d'apprentissage pour un C.A.P.mixte avec option barbier.
Il me mit sous la responsabilité de
M.J. qui était responsable de son nouveau salon à une demi-heure de route.
M.J. prenait l'équipe dans sa
voiture et nos échanges durant les trajets étaient toujours de bons moments.
Lorsque les journées étaient très
chargées dans le salon principal, je restais travailler avec eux.
Tout se passait bien mais
régulièrement, l'épilepsie faisait fond, encore et toujours.
Mon pire moment fût le jour ou j'ai
ressenti un énorme coup de fatigue, un léger courant d'air et encore consciente
de tout ce qui se passait autour de moi, je ne pouvais plus parler, plus
répondre. Il me semble que c'était un samedi car il y avait beaucoup de monde
et R. était présent.
J'entendais des brouhahas en bruit
de fond des paroles biens distinctes que j'entendais. J'étais comme dans un
couloir parallèle avec le ressentis et les sons qui m'entouraient, je luttais
pour chasser ce mal mais je n'y arrivais pas. Je me suis comme paralysée, je
n'arrivais plus à bouger, je ressentais tout, sans arriver à dire ou à faire
quoi que ce soit.
J'entendis les pompiers arriver,
j'entendais toujours mais je m'éloignais comme si le tunnel parallèle dans
lequel j'étais se capitonnait au fur et à mesure. J'avais mal partout mais
avant tout dans la tête. Je sentis les pompiers me parler, me manipuler sur un
brancard, me ligoter et me transporter. J'entendis des voix autours de moi dont
une que je connaissais qui en me voyant sur le brancard dit:
"Elle fait exprès, ça se voit,
elle fait exprès!"
Je ne pouvais plus bouger, je ne
pouvais plus m'exprimer mais j'étais encore consciente, je luttais, mais rien
ne faisait et, entendant ces mauvaises paroles, je ressentis comme des nausées,
tout devenait mous, je m'enfonçais et ensuite plus rien.
Je ne me souviens plus de mon
réveil à l’hôpital, ni de mon retour à la maison.
Durant plusieurs jours, j'ai eu mal
partout dans tout le corps, mais encore et toujours à la tête.
L'amie de mon frère P. m'informa
qu'une certaine T. avait eu les mauvaises paroles que j'ai entendus en me les
répétant. Le jour de mon retour au salon de coiffure, deux de mes collègues
m'ont dites que A. l'amie de mon frère avait eu ces mauvaises paroles en
question.
Qui que ce soit me rapporte quoi
que ce soit, je savais qui c'était, car dans mon apparente inconscience j'étais
consciente, j'ai très bien entendu mais ne pouvais rien faire d'autre que
subir.
J'étais dégoûtée ... de ce
comportement échappatoire idiot d'incompréhension, mais le mieux était de faire
comme si de rien n'était, comme si je ne me souvenais de rien. Ceci me donnait
quelques pas d'avance sur le comportement de certains.
Comme il y avait un peu plus d'un
an, ...
Un jour chez mes parents, mes deux
frères et leur amie supposées être mes futures belles sœurs M. et A. , nous
buvions un coup tous ensembles dans le salon.
Les discutions étaient banales et
ma présumée future belle sœur me chambrait sur je ne sais plus quel sujet.
Le ventilateur tournait au dessus
de nos têtes pour rendre la chaleur plus agréable mais d'un coup, je ne me
sentis pas bien du tout.
L'air brassé provoquait un doux vent qui en caressant mon cou me
donna de grands frissons qui partaient du bas des joues, longeaient le cou pour
passer sur les omoplates, les cotes pour arriver sur les hanches.
Ma bouche devint pâteuse et même le fait d'avaler ma salive me
donnait des frissons à l’intérieur de ma gorge. Je me sentais partir mais je luttais,
j'essayais de penser à la mer, à ma future profession ...
Je luttai pour essayer de combattre ces mauvaises sensations
d’écœurements tout en essayant de camoufler mon état.
M. qui continuait à m'embêter se rendit compte de mon état et se
mit à me dire :
" Allez, arrêtes de le fais exprès, j'avais raison alors tu
fais semblant, tu fais exprès ! "
Sans rien dire, je levai ma main vers elle pour lui faire
comprendre de me laisser tranquille mais rien à faire, elle continuait son
bla-bla incessant en me disant: " aller, arrête ta comédie ! "
Elle se leva car il était temps pour tout le monde de repartir et
je l'entendis dire : "elle fait exprès parce qu'elle ne savait pas quoi
dire, j'avais raison... pffff, c'est d'la comédie! «.
Mon frère F. dit : «Laisses la tranquille, ça arrive de temps en
temps, ça va passer."
Je luttais toujours, le mal aise s'estompait peu à peu, je gagnais
la lutte, mais ce n'était pas fini.
Ils partirent tous en direction de voitures et en même temps,
'entendis M. dire à nouveau :
"Elle fait expès, c'est de la comédie et vous tombez tous
dans l'panneau ! Ça m'énerve ! pfffff ! Chatouille là et tu verras ! "
Mon frère F. revint seul et essaya de me parler en me tenant le
bras.
Tout doucement, le mal partait laissant en moi des nausées, les
larmes coulaient et je lui fit signe de me laisser et d'un coup il se mit à me
chatouiller brutalement sous les côtes. J'étais chatouilleuse alors j'eus un léger
sourire grinçant qui fût vite couvert par les mauvaises sensations qui me
firent ensuite grogner car je ne trouvais pas mes mots et il partit en me
disant " M. avait raison, tu faisais exprès !" et il partit.
Ils se trompaient tous. Je n'étais vraiment pas bien. Il est vrai
que j'étais très chatouilleuse, et que je n'avais qu'une absence, mais ce
n'était pas de la comédie...
J'étais à nouveau dégoûtée. Ils ne savaient même pas comment se
comporter avec moi lorsque je n'étais pas bien.
Même mon amie S. que j'avais en classe comprenait et savait bien
mieux qu'eux quoi faire dans de telles situations.
Après leur départ, ma mère revint vers moi en me disant :
"Franchement, t'exagères ! "
C'était encore plus écœurant d'entendre ces mots de sa bouche !
J'avais vraiment hâte de partir de cette maison pour démarrer ma
vie seule. Même avec le risque que ma maladie comportait, vivre seule chez moi
était mon envie, mon projet à venir car personne ne m'embêterais dans des
moments comme ceux-ci.
Le travail reprit, j'avançais progressivement.
Un jour R. me demanda si j'étais allée voir des spécialistes, s’il
y avait des possibilités de guérison à mon problème. Il ne connaissait pas de
cas épileptiques donc s'informait... des informations qui me faisaient me poser
beaucoup de questions sur moi-même et mon épilepsie.
Suite à cette discussion, un jour en allant chez le médecin comme
tout les mois pour la prescription de mon traitement, je demandai au médecin s’il
existait une solution pour ne plus être épileptique.
Elle m'envoya à nouveau chez mon neurologue que je voyais tout les
six mois pour les Electro-EncéphaloGrammes habituels car elle n'était pas
spécialiste en la matière.
Le neurologue me refit un E.E.G. et me dit :
" C'est évident, ce qui provoque vos problèmes est bien dans
cette zone temporale gauche, mais nous ne pouvons rien faire d'autre que
changer de temps de temps de traitement pour que le corps ne s'habitue pas de
trop aux médicaments obligatoires".
Il m'envoya pour une visite chez un professeur en neurologie à
l’hôpital de la Salpêtrière à Paris.
Quelques mois après, jour de ce rendez-vous sur Paris, mon père
m'y conduit en me faisant passer mon baptême de l'air avec mon premier trajet
aérien. L'avion n'était pas très gros et faisait un certain bruit mais j'ai
beaucoup aimé.
La visite chez "le Professeur" fût très rapide.
Entrant dans son bureau, il nous demanda de nous asseoir.
Mon père lui remit le courrier du neurologue. Il ne jeta même pas
un coup d’œil sur l'E.E.G. et me demanda de m'asseoir sur la table d'examen.
il prit mes réflexes, regarda mes yeux avec une lampe, me demanda
de fermer les yeux, lever les bras, ouvrir les yeux, baisser les bras et suivre
son crayon avec mes yeux... et rien d'autre.
Il retourna à son bureau et dit à mon père qu'il ne pouvait rien
faire pour mon cas. Ce n'est pas opérable, on ne peut rien faire.
Mon père, complètement choqué de cette rapidité de réponse sans
aucune autre question, moi, avec la position bras ballants et la mâchoire non
loin de tomber sur le sol fûmes choqués d'une si simple consultation de médecin
généraliste de la part d'un soi-disant spécialiste et Professeur en neurologie!
A tel point que nous n'avons pas même pas su quoi dire tellement
choqué de ce rendez-vous dont nous aurions pu nous passer.
Nous sortîmes de ce soi-disant hôpital spécialisé et en attendant
l'horaire de retour de notre avion qui était en fin de journée, il m'emmena
marcher le long des quais, m’offrit une chemise en soie puis nous repartîmes en
direction de l'aéroport.
Un comportement encore inexplicable et incompris jusqu'à
aujourd'hui, que je ne comprendrai jamais.
C'est comme s'il m'avait prise pour une droguée. Comme si mon
neurologue lui avait laissé un message dont je ne saurai jamais le contenu car
l'enveloppe était bel est bien scellée.
De retour à la maison, la vie reprit son cours.
J'étais fatiguée, mais le travail était une bonne fatigue qui me
motivait énormément.
Je tenais mon compte bancaire sur un grand cahier de classe de
manière à savoir ce qu'il y avait au jour le jour avant de voir mon bordereau
que je ne recevais qu'en fin de mois.
Le volume de mon trousseau montait. J'avais toute ma batterie de
casseroles, mon linge de maison et presque tout ma vaisselle qui tenait dans
mon grand placard de chambre... et il y avait encore de la place !
Un jour avec la réserve de mes pour-boires et une petite partie de
mes économies me vint l'envie de me payer ma première chaîne Hifi.
Oui, partir de la maison mais avec de quoi écouter de la musique
pour ne jamais être seule. Il me fallait bien penser à tout !
F. mon grand frère me dit lundi, je viendrais avec toi pour
t'aider à choisir. Mais je savais déjà ce que je voulais.
Mon père souhaitant mettre son grain de sel avec une idée derrière
la tête nous y conduit.
Je pris mon chéquier très peu utilisé et nous partîmes à la
capitale de notre région.
Lorsque le vendeur nous rejoint, je lui demandai conseil pour une
chaîne Hifi de bonne qualité avec platine disques, lecteur de cassettes et de compacts
disques créés depuis peu... (oui, je ne suis pas vieille, mais je ne suis plus
toute jeune non plus)
Il me conseilla l'une des deux chaines que mon frère me montrait
avant son arrivée ce qui me laissa le choix entre les marques Marentz et
Technics. J'étais sur le point de choisir la marque Technics que je connaissais
de réputation et qui était un peu plus onéreuse que Marentz. Je préférais sa
ligne et la finesse de ses touches et me semblais le meilleur produit, lorsque
mon père vint faire la moue à mes cotés en me disant de prendre la Marentz qui
était déjà bien en me disant : "Pourquoi prendre la plus chère de toute?
".
Mon frère se mit de son coté en me prenant à part et en me disant
de choisir celle qu'il me disait car il voulait me l'offrir.
C'était sympathique de sa part, mais il était très important pour
moi de me payer mes premier investissements pour commencer ma vie. Après un
quart d'heure de ronchonnement avec mon père et de tampon amortisseur de la
part de mon frère, j'acceptai et le remerciai lors de notre retour à la maison
en lui faisant tout de même remarquer que je préférais la Technics.
Mon frère m'aida à installer ma chaîne dans ma chambre. Le son
était bon, j'en était contente car je n'avais pas besoin d'écouter à fond grâce
à la qualité sonore (qui ne valait pas la qualité de chez Technics)
Deux jours après, comme très régulièrement depuis que je
travaillais, une discussion en désaccord avec mon père me fit repartir dans ma
chambre pour être tranquille.
En longeant le couloir qui rejoignait ma chambre, je l'entendis
dire :
"Ouai! c'est ça ! Mademoiselle est contente, elle a sa chaîne
Hifi !"
Et là bouillonnante d'énervement, je fis demi tour en sa direction
pour lui dire en face :
"Tu n'aurais jamais dû me dire ça !" je lui tournai les
talons et retournai dans ma chambre.
Le lendemain matin juste avant d'aller travailler, je fis un
passage à la banque pour leur demander de me préparer la somme en espèce
correspondant au prix de la chaîne Hifi. Le soir je sortis du travail un petit
quart d'heure avant mon heure habituelle pour repasser à la banque afin de
retirer mon enveloppe.
Le soir après le repas et avant de me coucher, je pris mon
enveloppe avec le prix de la chaîne au centime près et la jetai fortement
sur le ventre de mon père vautré dans son fauteuil devant la télévision avec
son petit digestif en main en lui disant :
"Tiens! c'est ma chaîne, c'est moi qui me la paye. Ton
pognon, tu peux te l'garder, comme ça tu n’auras rien à me reprocher et rien à
me demander non plus. " et avant qu'il ne dise quoi que ce soit, je
partis me coucher.
Il ne bougeât même pas tellement il ne s'y attendait pas.
Le lendemain matin, il essaya de me rendre l'argent, mais je lui
reposai fortement sur la table en lui disant : "Non! C’est trop tard, à
peine tu me paye quelque chose que tu me le reproche et demain ce sera autre
chose alors c'est Moi qui me paye Ma chaîne Hifi et dès que je le pourrai je
partirai."
Sur ces mots, je parti travailler à vélo.
Cette année 1992 à l'age de dix sept ans, je pris mes leçons de
conduite que mes parents m'offraient comme ils l'avaient fait pour mes frères.
J'eus mon code du premier coup.
Une année vite passée entre le travail qui progressait à grand
pas, les séances de yoga qui m'aidaient à me détendre et le code de la route.
Lors de mes trois semaines de vacances d'été, je parti en train
dans les Cévennes pour y passer un peu de temps avec mon cousin, son amie et sa
fille qui était encore un bébé.
Pour mes premières vacances qui me coupaient un peu du travail
j'étais très contente. J'avais le plaisir de retrouver ceux que j’appréciais
sans avoir "papa et maman derrière mon dos", en bref, un début de
liberté.
Tous s'est si bien passé que tout deux m'ont proposé de revenir
aux prochaines vacances.
Mes chefs collègues me laissaient faire les
diagnostiques avec le choix des produits de permanentes après le
shampoing et de colorations après avoir installé les clientes avant de me
rejoindre pour rassurer la clientèle et me donner le feu vert ou corriger mon
diagnostique.
R., mon employeur me voyant toujours active et débrouillarde
lorsque je dégrossissais les coupes carrées pour mes collègues me fit faire un
samedi une coupe homme sur le podium.
Le podium était réservé aux coupes, je suais à grosses gouttes
suite au trac... mais sans perdre le nord.
Au bout de 35 minutes, il me rejoint, repris les quelques
finitions tout en me montrant les points importants qu'ils me manquaient.
Il était content de moi car il ne me manquait pas grand chose pour
que je me débrouille seule.
Après ses quelques coups de ciseaux, il me laissa coiffer le
client qui me laissa un pourboire car même si le temps était un peu plus long,
il était content de mon travail.
Je le remerciai pour la confiance qu'il m'avait accordée en
échangeant un sourire avec lui et il me dit qu'il était tout à fait normal que
chacun participe au progrès de tous.
Des mots d'un client que l'on ne peut oublier!
R. me fit signe en levant son pouce avec un grand sourire auquel
je répondis avec un grand sourire et une petite larme de joie du coin de l’œil.
Une fois de plus, Merci R. à Vous et toute votre équipe.
Les samedis soir après le boulot, j'allais en boite avec mes
frères qui me surveillaient de près.
Danser seule me faisait beaucoup de bien.
Les dimanches matins, levée vers onze heures et après le repas de
midi, je faisais une grande boucle d'environ vingt kilomètres à vélo et
recommençais ce même trajet les lundis après midi.
Tout au long de la semaine, un jour sur deux, je faisais un
crochet de cinq kilomètre à vélo en rentrant du travail pour me défouler et
éviter les écœurements que je ressentais lorsque je me retrouvais seule dans
cette maison que je souhaitais quitter au plus vite par dégoût et bien d'autres
raisons...
Oui, j'étais bel et bien décidée à partir vivre ma vie et je
pensais que m'éloigner un peu de mes parents me rapprocherais d'eux.
En début d'année mille neuf cents quatre vingt treize, je me suis
acheté un petit salon rotin d'occasion pour mon futur "chez moi".
Le tissus des coussins en bon état était un peu défraîchit, mais
après quelques coups de ciseaux dans un tissus d'ameublement et quelques points
à la machines, il paraissait comme neuf.
Ma mère était contente pour moi car je me débrouillais dans
beaucoup de choses.
Mon père ne voyait pas les choses de la même façon. D'un coté, il
était fier de parler de moi à d'autres, mais d'un autre coté, tout ce que je
faisais n'était jamais bien. Ce pourquoi nous nous disputions très régulièrement.
Il était tellement énervant, que quelques temps avant, un jour ou
ils se disputaient après le repas d'un dimanche midi ma mère pris son couteau
de cuisine et le pointa sur le ventre de mon père en lui disant que s'il ne
s'arrêtait pas elle lui planterai dans le gras du bide
Il rigolait, jaune, mais il rigolait quand même en lui disant,
"bein vas-y! et qu'est-ce qu'tu f'ras après!? hein !"
Elle lâchât brutalement le couteau sur la table et parti se
changer les idées en voiture en enfilant l’anorak fuchsia qu'elle venait de
m'offrir.
Le dimanche suivant, c'était pour ma pomme. Tout est parti d'une
simple discussion et bien que je vivais encore sous leur toit, travaillant et
m'assurant moi-même en grande partie, je ne me laissais pas faire. Je lui répondis
poliment mais sèchement qu'il était temps que je parte de cette maison pour ne
plus subir toutes les engueulades qu'elles soient avec ou sans moi et partis
dans ma chambre d'un pas ferme.
Je l'entendis se lever et me suivre d'un pas ferme. J'accélérais
mes pas, m'enferma dans ma chambre en bloquant la porte avec mes pieds et en
relevant la clenche car je n'avais pas de clefs.
Ayant plus de force que moi, il ouvrit la porte que je tenais
encore en main pour m'en servir de bouclier en me collant contre le mur en me
disant de lâcher cet porte, mais je lui répondis que non car je ne voulais pas
qu'il me frappe.
Il m'arracha la porte des mains. Je me mis en boule contre la
porte du placard coulissant sur le coté gauche en prenant soin de protéger ma
tête... et... il me frappa avec de grands coups de pieds comme pour se défouler
avec un punching-ball...
Ma mère qui le suivait lui tira son polo en lui disant : "
arrête là, elle a eu son compte!"
Il était rouge, recula d'un pas et me remis deux autres coups de
pieds avant de sortir de ma chambre en fermant la porte.
Je n'en pouvais plus... j'avais très mal ... je ressentais comme
des battements de cœur dans ma cuisse droite.
J'étais une fois de plus dégoûtée... il était temps que je parte
de cette maison de fous!
Prise de rage, de haine et de dégoût, je pleurais comme une
madeleine pour diminuer la tension intérieure de mon corps qui me provoquai des
nausées.
J'avais très mal dans la cuisse.
Hématomes et douleurs m'ont suivi durant des mois.
Encore à ce jour, soit vingt deux ans après, une zone de veines
éclatées est bien visible et deux à trois fois par an et par moment de grandes
fatigues, ces meurtrissures me lancent dans ma cuisse.
Approchant de mes dix huit ans et souhaitant partir de la maison,
je commençais à m'informer des tarifs locatifs d'appartements et des aides
possibles pour les petits salaires comme celui que je percevais en tant
qu'apprentie. C'était pour moi une forme de motivation pour tenir le coup
lorsque je n'étais pas au travail.
Je coiffais gratuitement la famille. Les seules personnes qui
insistaient pour me payer étaient mon frère aîné F.
J'avais aussi quelques clients "au black" que je
coiffait durant mes jours de repos et de congés pour m'aider à progresser et à
prendre plus confiance en moi.
C'était un peu comme la cerise sur le gâteau qui me permettait de
finir de préparer mon trousseau avant mon départ jusqu'à tous les produits de
toilette et d'entretien, comme pour préparer le stock de mon petit chez-moi.
Je pensais aussi souvent à mon cousin chez qui j'avais passé de
très bonnes vacances et j'avais hâte de le retrouver avec sa petite famille car
tout ceci était programmé pour cet été mille neuf cents quatre vingt treize.
Des vacances après mon examen auquel je m'étais inscrite en
candidate libre pour essayer de rattraper ma première année de travail qui
aurait du être ma première année de formation C.A.P.
Ce début d'année fût stressant avec ce désir de vivre seule pour
quitter ce lieu d'agressions.
Le dimanche 18 avril 1993, l'anniversaire de mes dix huit ans
arrive enfin !
C'est ce jour après le dessert que j'ai demandé à mon père qui
était agent immobilier de me trouver un appartement que je pouvais assumer avec
mes petits salaires grâce aux aides sociales. Une situation qui ne durerais pas
très longtemps, car je comptais bien avoir mon diplôme qui m'assurerai un
salaire correct pour démarrer dans ma vie.
Il me répondit :
" Oui, on verra!"
Et le connaissant bien, je le mis au pied du mur en lui assurant
que s'il ne me trouvait pas d'appartement dans les six mois à venir, je me
débrouillerai par moi-même en allant voir ses concurrents.
Il sourit jaune, mais prit ce défit du bon coté.
Une fois par semaine, je lui demandais ce qu'il en était tout en
cherchant un peu de mon coté.
Lorsque quelque chose me semblait intéressant, je lui présentais
et il m'expliquait pourquoi il ne me l'avait pas proposé. De son coté, il
prenait tout son temps et pour ne pas envenimer les choses, je prenais mon
désir de partir en patience.
Bien que je vivais encore chez mes parents, je ressentis une forte
poussée de liberté fleurir en moi. Plus de demande d'autorisation de sortie et
plein d'autres choses pour lesquelles je n'avais plus à leur demander de
permission.
Pour cela, je continuais le travail que j'ai toujours fait à la
maison en échange des quelques charges que je leur coûtais car je ne voulais
rien devoir à mes parents.
En attendant mon appartement, j'en profitais pour finir mes
derniers achats et me préparer une petite réserve d'argent avant mon départ
pour toujours réussir même si un coup dur financier se présentait à moi.
A très bientôt dans le prochain épisode de ma vie de 18 ans à la rencontre de la lumière de ma vie...